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Chapitre 3 (suite de BonGo en solo)
Je n’étais pas au bout de mes peines, mon voyage ne faisait que commencer. J’avais le ventre joufflu du coup de pied que je venais de recevoir. J’avais perdu Lynie et Pietro en m’engageant dans la voiture d’un inconnu à Florence. Il fallait que je les retrouve. Je devais me mettre à leur recherche immédiatement, sinon fini le beau voyage!
Évaluons la situation. Je savais que mes maîtres se promèneraient en Toscane avec leur auto de location. Je ne savais pas où exactement, mais je les avais entendus parler de la ville de Chianti et de San Gimi…, enfin quelque chose qui finit par « o ». Je décide alors de partir pour Chianti me noyer dans le bon vin.
Mais comment sortir de ce foutoir de véhicule où deux Italiens parlent à tue-tête dans une langue que je ne comprends pas? Le conducteur a l’air en colère. J’écoute. Je capte cependant un mot que j’ai déjà entendu : cantinetta. « La cave à… ». À Chianti, il y a beaucoup de caves à vin. Ça me semble bon. De toute manière, ai-je un autre choix que de me rendre à leur destination, coincé comme je suis?
Je prends donc mon mal en patience et nous roulons sur ce qui semble une autoroute. Sans rien voir par la fenêtre, je peux sentir le vent rapide qui entre par celle-ci, m’indiquant qu’on sort probablement de Florence. Plus on roule, plus le chemin est sinueux. On monte et on descend. Je le sens d’après la révolution du moteur. On arrive bientôt au point de rencontre de la « mamma italiana », après 45 minutes de trajet. L’auto se met à cahoter, elle ralentit, roule sur le gravier pendant une dizaine de minutes, puis s’arrête enfin. Je me sens tout drôle. J’ai le cœur près des lèvres, prêt à régurgiter ce que je n’ai pas mangé.
Les hommes sortent de l’auto; je les entends s’adresser à un groupe, et arrivent les embrassades. Smack sur la joue gauche, smack sur la joue droite. C’est la coutume, en Italie, des hommes qui se collent? Pas habitué à ça, moi!
Je descends à mon tour, les deux pieds dans le gravier. Je décide de laisser mes covoitureurs là pour me renseigner sur l’endroit où on est. Je ne cherche pas longtemps. La Cantinetta di Rignana. Un ristorante. Les tables à pique-nique à l’extérieur sont recouvertes d’une nappe blanche, d’un centre de table floral et de bouteilles de vin. Nous voici à la cave à… Un couple partage une assiette d’antipasti.

Un dîner typique servi à la Cantinetta di Rignana : viandes froides, fromage frais, olives, huile et pain.
Je peux lire, sur le menu affiché près de la porte le nom de la ville où nous sommes : Greve in Chianti. Mon rêve s’est réalisé! Sans même savoir où j’allais, je me suis retrouvé en Toscane où les vignerons cultivent le raisin qui sera ensuite transformé en vin. Ce vin italien dont tous les connaisseurs raffolent. Mon regard fait un 360 degrés. Des collines de vignes, quelques maisons de fermes vieillottes, de minuscules chemins de gravier. À côté du restaurant, une ferme a été convertie en hôtel pour les touristes en quête de tranquillité. Fattoria di Rignana. Le seul bruit audible est un chien qui jappe au loin.
Si c’est ça la Toscane, alors j’adore!
Je marche jusqu’à l’hôtel et me faufile à l’intérieur. La porte principale est une ancienne porte de grange. Deux chiens viennent me saluer en arrivant. L’un d’eux me fait signe de monter avec lui à l’étage pour voir les chambres. C’est propre, le mobilier est ancien et en bonne condition, les salles de bain sont modernes et le plafond est constitué de vieilles poutres. Ici, pas d’écran plat ni téléphone. Chaque serrure nécessite trois tours de clé avant d’ouvrir. En cas de feu, vaut mieux sauter dans le foin par la fenêtre que de sortir par la porte.
Des clients arrivent. L’espace d’un instant, je souhaite que ce soit Lynie et Pietro. Non. Ils parlent allemand, je crois. Une propriétaire de l’endroit les accueille chaleureusement. Et moi? Je passe encore inaperçu.
Plutôt que d’attendre dans ce coin perdu de l’Italie, je m’accroche à un camion d’agriculteur pour aller à la Piazza Matteotti (place du marché). C’est ici que se célèbrent annuellement le festival du vin Chianti Classico (mi-septembre), le festival des fleurs (début mai) et celui des antiquités et objets de collection (lundi de Pâques). On y fait nos achats dans les quelques boutiques locales, et le marché le samedi matin.
En septembre, quand c’est le temps des vendanges, un grand nombre de travailleurs affluent des autres coins de l’Italie pour aider les producteurs dans la cueillette des raisins. Mais nous sommes en mai, alors c’est tranquille. Pas de Lynie ni de Pietro ici.
Demain, j’irai à San Gimignano pour les trouver. Le nom complet de la ville était inscrit au comptoir touristique de la place du marché. Un autobus s’y rendra. Je ne savais pas qu’en ce moment même, mes deux comparses venaient d’arriver exactement là où j’étais cet après-midi : à l’hôtel Fattoria di Rignana.
Une réflexion sur “Récit 1 : BonGo à Chianti, Italie”