Récit 1 : BonGo à Venise

Chapitre 6 (suite de BonGo à Sienne)

Pour suivre le récit dès le début

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Sur le Grand Canal, à la sortie du port de Venise.

Jour 5 : Bienvenues les retrouvailles

Retourner à Florence pour prendre le train pour Venise fut assez simple. Trenitalia a des trajets toutes les demi-heures. Je me suis joint à un groupe de hippies étudiants qui s’en allait en ville faire la fête. Je l’ai rencontré à ma sortie du café Internet. Des gens sympathiques et extravertis.

Sitôt débarqué du train à Venise, je me faufile dans la pochette d’une valise d’un voyageur, sur laquelle était apposée une étiquette du Celebrity Silhouette. Enfin, je vais retrouver Lynie et Pietro.

Le port à grands navires est situé loin des attraits de la ville entourée d’eau. J’arrive à bord du navire un peu secoué – c’est que ces bagagistes ont le don de ne pas faire attention au contenu des valises –, mais heureux tout de même d’être parvenu à me glisser à bord sans qu’un méchant chien ne vienne m’arracher quelque organe. J’essaie de m’extirper de la cabine des voyageurs – la 1128. Comment vais-je maintenant m’y prendre pour retrouver mes maîtres dans cet immense navire de 2 886 passagers? Surtout que s’y retrouver demande un sens de l’orientation hors de l’ordinaire, ce que je n’ai pas. Je laisse donc la stratégie de côté pour me fier à mon instinct et au destin. Je marche le long du corridor jusqu’à un ascenseur central. Ici, tout est beau. Les couleurs du décor me font penser aux toiles que Lynie peint de temps en temps. Les tableaux accrochés aux murs sont modernes, les sculptures aussi.

OLYMPUS DIGITAL CAMERAJe décide de me rendre à l’étage des restaurants. À l’entrée d’un de ceux-ci, je perçois une femme aux allures plutôt élégantes accompagnée d’un homme à la carrure imposante et à la chevelure blanche, mais épaisse. Mon attrait pour ce couple m’incite à les suivre. Je m’assois à leurs pieds. Je les baptise « Cendrillon et son grand prince ». Il y a beaucoup de monde dans cette salle à manger. Les serveurs, habillés de noir et de blanc, ont fière allure. Aucun Québécois à l’horizon. J’observe et j’essaie de repérer ces passagers si chers à mes yeux. Même si je ne crois pas m’être trompé sur leur destination, je ne suis pas certain que cette croisière de 13 jours en mer Adriatique soit pour moi de tout repos. C’est que j’ai le mal de mer facile. Même si ce n’est pas la première fois que je vogue sur les flots, je ne m’habitue jamais aux vagues d’une ardeur inhabituelle.

Depuis mon point de vue, je peux reconnaître les souliers de centaines de passagers. Une paire attire mon attention. Je parcours cinq distances de tables et me retrouve face à des souliers de course blancs avec des lignes rouges sur les côtés. Je tends l’oreille pour savoir si son propriétaire est Pietro, car ses chaussures sont semblables. Non, celui-ci parle une langue celtique.

Je retourne vers Cendrillon, déçu. Je grimpe sur la chaise libre à sa gauche. Elle me voit, me prend sur elle et me montre à son prince en souriant. Il sourit à son tour, il a l’air gentil et me fait une caresse rapide. Je fais un air triste, espérant qu’ils comprennent ma demande et qu’ils m’aident à retrouver Lynie et Pietro. Je ne comprends pas leurs paroles, mais je peux deviner qu’ils compatissent avec moi. Le regard bleu perçant du prince me séduit. J’assiste à leur repas, comme s’ils étaient mes parents d’adoption.

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Le palais des Doges, à Venise.

Ils m’apportent ensuite à leur chambre. Ils ont réservé une des plus belles, une suite donnant vue sur l’arrière du navire, avec un grand balcon et une baie vitrée. Quel luxe! Mes nouveaux amis ont l’air épuisés. Ils se couchent sur leur grand lit. Pendant leur sieste, je décide d’aller faire un tour, question d’explorer les environs. Facile de se perdre sur un si grand navire. Où peuvent bien être mes maîtres? Habituellement, ils réservent une chambre pas mal au-dessus du niveau de la mer, avec un hublot ou un balcon. Je longe un immense corridor et emprunte l’escalier central jusqu’au huitième étage. Dès que j’arrive sur cet étage, je vois une valise rose à fleurs blanches et vert lime. Hein? Est-ce possible? Je reconnaîtrais cette valise à un mille à la ronde! C’est la grande valise de Lynie! Youppi! Elle est à bord, je ne m’étais pas trompé. S’agit maintenant de m’introduire dans la valise (que Pietro déteste, car elle n’est pas assez conventionnelle pour lui) et d’attendre qu’elle l’ouvre… et ensuite : coucou, me voilà!

Il n’y a qu’un seul problème. Si je pénètre dans la valise maintenant, je risque d’étouffer et de manquer le départ du navire qui longera le Grand Canal de Venise. Le spectacle est, paraît-il, sublime. Je décide tout de même de m’infiltrer dans la valise extravagante; après tout, j’ai hâte de les revoir tous deux, et je pense qu’ils voudront se changer avant d’aller sur le pont prendre un petit coquetel d’amoureux. Ils devront assurément défaire leurs bagages.

OLYMPUS DIGITAL CAMERAAllô les retrouvailles

Qu’il fait chaud, dans cette sacrée valise! Je me sens bouger. On transporte la valise à leur chambre. Même si on me cogne partout, je me sens aux petits oiseaux. J’attends encore ce qui me semble une éternité. Quand viendront-ils à leur chambre?

J’entends une voix au loin. Je sue. Une voix qui me paraît familière. Je manque tellement d’air que je sens que je vais m’évanouir. Non, BonGo, ne lâche pas maintenant que tu es si près du but de leur faire la surprise! Cette voix, c’est celle de Pietro, qui dit : « Yé, nos valises sont arrivées! » Le souffle me manque, je voudrais parler, mais rien ne sort. Je perds le nord.

Un chatouillement ressuscite mon cerveau. J’ai le nez rivé à la joue de Lynie, qui me serre trop fort. Je cherche encore mon souffle, mais l’air frais de la chambre me ravigote très vite. Si je n’avais pas été fait entièrement de mousse et de peluche, je serais mort dans ce corbillard à fleurs. Je comprends Pietro de détester cette valise.

– BonGo, comment es-tu entré là-dedans? Mon pauvre, tu es tout fripé et malpropre!

« Merci… », je dis.

– Nous étions morts d’inquiétude à ton sujet… raconte-moi comment tu as fait pour nous retrouver.

« … En Toscane, j’ai perdu ma casquette des Canadiens… dormi sur une corde à linge à Chianti… failli être bouffé cru par un chien méchant à San Gimignano…  et écrabouillé par Boum-Boum à Sienne… »

– Tout va bien, maintenant. Nous ne te lâcherons plus d’une semelle, affirme Pietro. Mais tout d’abord, allez hop! Un bon bain ne te fera pas de tort! Ensuite, tous sur le pont pour assister au départ du navire!

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